Retour sur la 3ème édition des rencontres sport business !
Le début de saison en Ligue 1 a été marqué par de nombreuses interdictions de déplacement de supporters, qu’ils soient lyonnais, marseillais, ou encore nîmois. Déjà 30 matchs ont fait l’objet d’un arrêté d’interdiction de déplacement, quand on en comptait 100 sur toute la saison dernière. En outre, de nombreux matchs ont été interrompus en raisons de chants homophobes. Le supportérisme englobe un certain nombre de questions auxquelles ont tenté de répondre plusieurs intervenants invités à la troisième édition des « Rencontres SMS », qui a eu lieu le 24 octobre dernier: James Rophé, porte-parole de l’Association Nationale des Supporters ; Richard Bouigue, co-directeur de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean Jaurès ; Yoann Lemaire, président de l’association « Foot Ensemble », qui a pour objectif d’aborder la question de l’homophobie dans le sport et plus particulièrement dans le football ; Pierre Rondeau, économiste du sport.
Le débat a été lancé avec cette première question : l’interdiction absolue est-elle une solution ? Pour J.Rophé, la réponse est non. « Aujourd’hui, il y a une confusion entre le ressenti et ce qui est délictueux et relève du droit ; on interdit tout, mais paradoxalement il y a de l’inaction de la part des pouvoirs publics qui laissent les clubs et les ligues se débrouiller». À une époque semblable à celle de « Minority Report », pour reprendre l’image employée par P.Rondeau, où l’on anticipe la sanction avant même que l’action soit commise, R.Bouigue estime que nous sommes à un tournant, à savoir soit les instances tombent dans le tout-répressif, soit elles engagent le dialogue, à travers notamment l’instance des supporters, née en 2016 … à condition d’avoir une réelle volonté de la faire vivre. En parallèle, Y. Lemaire a souligné que les supporters n’ont pas toujours fait preuve d’une attitude irréprochable, et qu’il est important que des familles puissent également se rendre au stade sans avoir à assister à de la violence ou des chants insultants.
Partant de ce constat, nos spécialistes se sont interrogés sur le fait de savoir si les supporters étaient considérés comme une sous-catégorie de citoyens. Là encore, pour J.Rophé, à partir du moment où ces derniers ne passent pas devant un juge, et où l’on est hors du cadre de droit, la réponse est oui. « On prête aux ultras tous les points négatifs », sans vraiment faire la distinction entre ultras et hooligans, et alors qu’il y a plusieurs types de supportérisme, a affirmé M. Rophé. Par ailleurs, R. Bouigue a souligné que le football n’avait jamais fait aux supporters la place qu’ils méritent, mais que la confusion entre ultras et hooliganisme avait conduit à la mise en place d’un arsenal répressif qui est souvent inadapté.
La question des clubs s’est alors posée, et notamment de l’intérêt de ces derniers à défendre leurs supporters. À ce moment, le débat s’est déplacé vers des questions plus économiques. Dans la mesure où les supporters peuvent contribuer au développement du merchandising, alors les clubs ont besoin de leurs supporters. De plus, compte tenu des importants revenus télévisuels, un club de football a besoin d’un stade rempli et animé, avec des chants et des banderoles qui restent dans le respect de la loi. L’Olympique Lyonnais a d’ailleurs cité en exemple, lui qui est propriétaire de son stade et donc garant de sa rentabilité économique, a chargé 4 personnes d’assurer la relation avec les supporters … les prémices d’un changement en faveur d’un dialogue avec les supporters ?
Par conséquent, comment concilier ambiance et respect ? Pour Y.Lemaire, les supporters doivent exclure les fauteurs de troubles d’eux-mêmes, tandis que R.Bouigue prône plutôt la pédagogie, ce qui selon M. Lemaire n’intéresse pas véritablement les supporters. Autre point important, soulevé par J.Rophé, les sanctions collectives sont souvent contre-productives, tant elles sont à la fois inefficaces pour les coupables qu’injustes et frustrantes pour les autres membres de la tribune qui n’ont commis aucun délit.
Le débat s’est achevé après 1h20 de discussions passionnantes, et a ouvert la voie à un deuxième débat, tant les sujets à aborder sont nombreux, notamment autour de la question du racisme. Un parallèle est souvent revenu au cours de la soirée, celui des discussions entre syndicats et patronat. On peut se demander si la question des supporters en France n’est pas un reflet de la société en elle-même, où un groupe de personnes ne s’estimant pas suffisamment écouté et entendu conteste un pouvoir tel qu’il est mis en place depuis de nombreuses années. Gageons que la période qui s’ouvre sera celle du dialogue.
Les premières annonces du secrétaire d’Etat L.Nunez en matière de déplacement de supporters, semblent aller dans ce sens, dans la mesure où désormais les référents supporters, nés de la loi de 2016, prendront part aux réunions préparatoires de sécurité pour les matchs jugés sensibles.
Alexandre DUGUY-LOÏ