QUE RESTE-T-IL DE LA COUPE DU MONDE FÉMININE ?
L’été dernier, la Coupe du monde a suscité un réel engouement, notamment grâce au parcours réalisé par les Bleues. L’espoir était donc permis à l’aube de la nouvelle saison, de voir le football féminin se développer davantage. Mais alors, quatre mois après le sacre des américaines, que reste t-il du Mondial de foot féminin en France ?
La premier motif de satisfaction de ce Mondial féminin est d’ordre économique. Avec plus d’1,1 million de billets vendus dans les stades, le résultat dépasse de loin les espérances du comité d’organisation. Lors du match d’ouverture entre la France et la Corée du Sud, le Parc des Princes affichait d’ailleurs complet. Au final, le taux de remplissage des stades à la fin de la compétition était de 74%, soit bien au-delà des prévisions du comité d’organisation (57%). Pour autant, aujourd’hui, le championnat de France de D1 féminine peine à faire salle comble. Avant le match OL-PSG, qui a réuni 30 000 spectateurs, la meilleure affluence était d’un peu plus de 5000 spectateurs, pour un match entre Dijon et l’Olympique Lyonnais. On constate que ce sont les Lyonnaises et les Parisiennes, avec toutes leurs stars françaises et internationales (Henry, Cascarino, Formiga, ou encore Bronze) qui font déplacer le public. À l’inverse, le football féminin anglais semble avoir vraiment connu un engouement notable, puisque le record d’affluence vient d’être battu à l’occasion du derby londonien entre Tottenham et Arsenal, avec 38 000 spectateurs. Pour l’anecdote, le précédent record était de 31 000, pour un autre derby, celui de Manchester. Par ailleurs, l’ensemble des équipes de la Women Soccer League (équivalent de la D1 féminine anglaise) ont déjà réuni en 6 matchs de championnat plus de spectateurs que sur toute la saison précédente (394 000 spectateurs cette saison contre 222 000 sur l’ensemble de la saison 2018/2019). Ainsi, si le football féminin continue son développement depuis la Coupe du Monde, au niveau de l’affluence dans les stade, le football anglais semble avoir pris de l’avance.
Un beau stade rempli, voilà un axe de progression pour le football féminin, pour attirer de nouveaux revenus indispensables à son développement : les revenus télévisuels. Ici aussi, la Coupe du monde a été comme une bouffée d’oxygène. Personne n’aurait parié que la finale entre les Pays-Bas et les États-Unis aurait réuni 6 millions de personnes devant leur télévision (cumulés entre TF1 et Canal+). Du moins, pas TF1, qui a réalisé une part de marché de près d’un téléspectateur sur deux. Conséquence, les tarifs des spots publicitaires ont augmenté, atteignant jusqu’à 125 000€, bien loin certes des montants pour les matchs de l’équipe de France masculine, qui avaient atteint 325 000 euros pour un spot publicitaire lors de la finale de la Coupe du Monde 2018. Mais la progression mérite tout de même d’être soulignée. Ainsi, près d’un million de téléspectateurs ont suivi le premier match des joueuses de Corinne Diacre post-Mondial. Une évolution positive donc, si on ajoute à cela que bon nombre des téléspectateurs français ne connaissaient pas la majorité des joueuses de l’équipe avant le début de la compétition.
Enfin, sur le terrain, le mondial semble avoir eu des conséquences positives sur le nombre de licenciées. Le 10 septembre dernier, le président de la FFF Noël Le Graet annonçait sur France Info une augmentation du nombre de licenciées de 11% par rapport à l’année dernière, avec près de 200 000 jeunes filles inscrites dans les clubs de football. Une augmentation qui se remarque également au niveau de la ligue de Paris, qui dans son procès verbal du 2 septembre dernier, constatait un nombre de licenciées à la hausse dans toutes les catégories d’âge (à l’exception des catégories senior) par rapport à l’année dernière. Une évolution positive qu’a constaté Betty Noël, qui est en charge d’une école de football féminin à Paris. Pour B.Noël, “la Coupe du Monde a donné envie à des jeunes filles de s’inscrire dans un club, mais elle a aussi changé les mentalités chez leurs parents, qui se sont aperçus que les filles pouvaient jouer au football tout en restant très féminine”.
En définitive, le Mondial féminin a apporté un vent nouveau sur ce sport qui est souvent considéré à tort comme principalement masculin. Il a permis de mettre en lumière des femmes qui n’étaient pas forcément connues du grand public, a suscité un engouement sans précédent pour une compétition qui existe depuis 28 ans, et a poussé des jeunes filles à franchir la porte des clubs de football. Des conséquences plus qu’encourageantes et annonciatrices d’un bel avenir pour le football féminin, qui se professionnalise de plus en plus. La FIFA a d’ailleurs récemment annoncé le déblocage de 500 millions de dollars en faveur du football féminin. Si ce sport manque aujourd’hui de structures et de moyens, il y a fort à parier qu’il n’est qu’au début de son développement, emmené par le succès du dernier Mondial en France.
Alexandre DUGUY-LOI