Pierre RONDEAU (INTERVENANT SMS - Economiste du sport) : "Inquiet pour l'avenir du football hexagonal et les consommateurs de football"
Les matières enseignées au sein de Sports Management School sont réalisées par des experts sport business, reconnus et ayant envie de transmettre à nos étudiants leur expertise et leur passion dans leur domaine de prédilection. Après avoir découvert le portrait de Caroline BOCQUET, place désormais à Pierre RONDEAU, intervenant et économiste du sport.
Bonjour Pierre, merci de répondre à nos questions pour nos étudiants, pouvez-vous nous présenter votre parcours dans le monde du sport ?
J’ai commencé professeur de SES en lycée, après deux masters en économie passés à l’université Paris1 Panthéon-Sorbonne. Dans le même temps, je tenais un blog sur Sofoot (La Science du Foot, c’est de là qu’est venu mon surnom sur twitter) et j’ai commencé une thèse d’économie, toujours à Paris 1.
Les choses se sont accélérées lors de l’Euro 2016, en France, où je suis devenu chroniqueur pour la chaine LCI. Ensuite Cnews avec Pascal Praud, chroniqueur pour Slate et, depuis 2018, chroniqueur pour la chaine RMC Sport.
Vous êtes spécialiste en économie du sport, quel est votre avis sur le dernier mercato footballistique, notamment en Angleterre où des sommes astronomiques ont encore été dépensées ?
Des sommes astronomiques en Angleterre sans que, pour autant, le record n’ait été dépassé (il date de 2017)https://twitter.com/Lasciencedufoot/status/1159689701919481856 Cela s’explique notamment par la suspension de transfert de Chelsea et l’arrêt du mercato anglais, calé sur la période non-sportive. Ailleurs, en Europe, il se poursuit bien après la reprise (jusqu’au 31 août). En Angleterre, il s’arrête la veille de la reprise. A mon sens, cet élément devrait être adapté et normalisé à l’Europe entière …
A lire : http://www.slate.fr/story/150998/reforme-des-transferts-messieurs-les-anglais-arretez-les-premiers
Que pensez-vous de l’évolution des droits TV dans les années à venir ? En France et à l’étranger ?
Je m’en inquiète et c’est à lier avec la question suivante. A court terme, ils augmentent, très bien, c’est une preuve de compétitivité et de force pour les clubs. Mais à long terme ? « Aucun arbre ne peut pousser jusqu'au paradis sans que ses racines n'atteignent l'enfer » disait Carl Gustav Jung. Ici, les droits montent, merveilleux. Mais jusqu’à quel point ? Et pour quel risque ? Si vous payez si cher, il faut aussi vendre cher. Et ce sont les consommateurs qui vont se retrouver lésés.
Pour consommer du football, il faut désormais dépenser des sommes très élevées pour pouvoir suivre le championnat anglais, français, la ligue des champions… A termes, pensez-vous que le consommateur acceptera de payer autant ? Quelle pourrait être la solution ?
Non, et c’est toute mon inquiétude. Le risque est que le consommateur arrête de payer, ne puisse plus payer (Canal+, RMC Sport, Bein Sport, Mediapro, Eurosport, mais aussi Amazon avec Roland Garros, et pourquoi pas Netflix pour les séries …) et se tourne vers les moyens illégaux ou alternatifs (streaming, partage de code de connexion, mutualisation des abonnements).
Conséquence, c’est la rentabilité des diffuseurs qui sera remise en question. Comment générer du profit en payant autant des droits d’entrée sans avoir suffisamment d’abonnés ?
Dans la mesure où les clubs sont dépendants à 47% en moyenne des droits TV (et parfois plus de 60% pour les plus petits clubs), c’est toute l’économie du foot qui peut s’écrouler : si les chaines font faillites ou réduisent le prix des droits, les clubs ne s’y retrouvent pas et disparaissent.
Vous rajoutez à cela la réforme de la ligue des Champions en 2024 et la coupe du Monde des clubs en 2021, ce sont tous les championnats nationaux qui peuvent s’écrouler au cours des années 2020.
Je m’inquiète beaucoup de l’avenir du foot hexagonal dans les années à venir …
Vous entamez une nouvelle saison au sein de notre école, quel est votre ressenti sur la saison passée avec nos étudiants ?
Une excellente promo et un très bon cru l’année dernière. Les étudiants étaient intéressés et intéressants, ne cessant de débattre et de poser des questions. Avec une agréable surprise en fin d’année. J’avais donné un devoir maison à réaliser en groupe, il s’agissait de monter un dossier économique pour le rachat d’un club. Il fallait tout présenter, les arguments, les objectifs, les budgets, etc. 95% des rendus étaient très bons, on aurait dit de véritables dossiers de reprise, présentés par de vrais investisseurs désireux de parier sur le sport.
Si Vincent Molina avait reçu ces dossiers, il aurait très certainement fait une vidéo, persuadé qu’il s’agirait d’un vrai dossier et non d’un devoir maison ?
Quel message aimeriez-vous adresser à vos / nos futurs étudiants ?
Amusez-vous, prenez plaisir à venir en cours, n’oubliez jamais qu’il s’agit d’un passage obligé pour votre carrière future. Ça serait dommage de s’ennuyer 4 ans.
Puis avec moi, on ne s’ennuie pas, on parle foot, rugby, handball, tennis, etc. Je suis partisan d’une pédagogie interactive – ce n’est pas un cours magistral, les étudiants doivent participer et intervenir oralement – et intuitive – tous les concepts d’économie sont toujours illustrés par un exemple concret, par un fait d’actualité.